Abandon de poste et démission : tout sur la nouvelle réforme
Une grande nouvelle pour les acteurs du monde du travail concernant l’abandon de poste. Le Sénat a définitivement adopté le texte final du projet de loi sur l’assurance chômage. Zoom sur les nouvelles dispositions du projet de loi… S’il était possible auparavant de bénéficier de l’assurance chômage après avoir abandonné son poste, un amendement voté dans le cadre de la réforme du chômage assimile les salariés en abandon de poste à des démissionnaires présumés. Voici tout ce que vous devriez savoir sur la nouvelle réforme du chômage depuis le 5 octobre dernier.L’origine de l’abandon de poste
L’abandon de poste est caractérisé par une sortie de travail non autorisée ou des absences injustifiées qui s’inscrivent dans la durée. C’est un acte qui constitue la non-exécution des termes du contrat de travail.L’origine d’une situation d’abandon de poste peut être diverse et variée : la perspective d’un nouveau travail mieux rémunéré, la reconversion professionnelle, la perte d’intérêt pour le poste actuel, une vie personnelle lésée par l’occupation professionnelle… Force est de constater qu’il n’y a pas de chiffres officiels qui concernent les situations d’abandon de poste en France. Toujours est-il qu’un amendement a été voté le 5 octobre 2022 en première lecture du projet de loi sur l’assurance chômage.
Le débat a été houleux lorsque le texte précise que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste, et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin (…) est présumé démissionnaire ».
S’il est vrai que l’abandon de poste est parfois choisi par les salariés pour éviter la démission, et ainsi percevoir des allocations chômage, il n’est pas rare qu’il soit la seule alternative acceptée par un employeur face à un salarié désireux de quitter son poste et auquel une rupture conventionnelle est refusée. Il s’agit d’ailleurs d’un des arguments invoqués par les défenseurs de cette nouvelle loi qui va radicalement changer la donne.
Pour la réforme de l’assurance chômage portée par Emmanuel Macron
Le 15 novembre dernier, le projet de loi du gouvernement a été validé par l’Assemblée nationale.Le Sénat a ainsi adopté ce projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ».
Par une décision du 15 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a validé ce texte, validant ainsi la présomption de démission (décision n°2022-844 DC)
A l’origine, ce texte visait à intégrer la nouvelle réforme de l’assurance chômage d’Emmanuel Macron, mais d’autres dispositions plus strictes ont été introduites à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Dans son premier article, le projet de loi précise que les règles actuelles de l’assurance chômage seront maintenues jusqu’au 31 décembre 2023 (fin initialement prévue pour le 1er novembre prochain). Ces règles concernent principalement le mode de calcul des indemnités, les conditions nécessaires pour ouvrir un nouveau droit, une dégressivité accélérée des allocations pour les hauts revenus…
Parmi les nouvelles mesures adoptées figure notamment la modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la situation du marché du travail.
En cas de taux de chômage inférieur à 9%, la durée d’indemnisation sera réduite de 25%. Si ce seuil de 9% est dépassé ou si le taux de chômage augmente de 0,8 point sur un trimestre, alors les règles actuelles, sans baisse de la durée d’indemnisation, seront de nouveau appliquées.
Sont exclus de ce dispositif les intermittents du spectacle, les bénéficiaires d'un contrat de sécurisation professionnelle, les marins-pêcheurs, les dockers, les expatriés et les demandeurs d’emploi outre-mer.
Il est prévu que ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux contrats de travail prenant fin à compter du 1er février 2023, à l’exception de ceux dont la procédure de rupture a été engagée avant cette date.
Néanmoins, ces nouvelles règles pourraient s’avérer encore plus strictes, puisque le projet de décret d’application transmis par le Gouvernement aux partenaires sociaux prévoit que si le taux de chômage descend à 6% ou moins, alors la durée d’indemnisation sera réduite de 40%. Cette réduction drastique ne concernerait que les demandeurs d’emploi de France métropolitaine.
L'abandon de poste qui peut constituer un motif de licenciement, souvent assimilé à une faute grave
Une des principales nouveautés du projet de loi concerne une mesure hautement polémique, qui consiste à instaurer une présomption de démission du salarié, lorsque celui-ci abandonne son poste volontairement. Cette mesure a été introduite par les députés par voie d’amendements et un soutien du gouvernement, mais sera obligatoirement précédée d’une mise en demeure de l’employeur à son collaborateur de reprendre son poste de travail.Le projet de loi adopté, validé par le Conseil constitutionnel le 15 décembre 2022, crée l’article L1237-1-1 du code du travail qui précise que « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article
La nouvelle réforme, qui ferme désormais les accès aux droits de Pôle Emploi notamment
Désormais, le salarié en situation d’abandon de poste est considéré comme démissionnaire. Si l’abandon de poste conduit très souvent à un licenciement, il ne permet pas à l’employé de bénéficier d’allocations chômage. Le salarié démissionnaire ne sera pas indemnisé par le Pôle Emploi, sauf exceptions : démissions légitimes, reconversion professionnelle, démissions en cours d’indemnisation et démissions après réexamen par l’instance paritaire régionale (IPR).D’une manière générale, cette mesure vise à éviter le versement d’indemnités de chômage en cas d’abandon de poste. Toutefois, le texte prévoit un dispositif de protection des salariés : une procédure accélérée pour renverser la présomption de démission devant le Conseil de prud’hommes. Les juges disposent alors d’un mois pour se prononcer à partir de la date de la saisine par l’employé, à l’instar de la procédure de prise d’acte de la rupture.
Cet article va à l’encontre de la jurisprudence liée à la démission dans la mesure où il est constant que la démission ne se présume pas. Elle doit être la manifestation d’une volonté claire et non équivoque du salarié.
Il s’agit d’un changement complet de vision, non sans difficultés pour le salarié qui devra prouver que son abandon de poste est lié à des raisons légitimes. Néanmoins, cette procédure semble faire double emploi avec celle de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, ce qui rend incompréhensible cette nouvelle réforme.
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